jeudi 9 juin 2011

Vous rentrez quand?

Cette question, il me semble que je l'entends 15 fois par jour...
Le pédiatre, la pharmacienne, la famille, les amis, les commerçants, les sensei de la crèche... bien sur, des tas de gens qui font preuve d'un réel intérêt et d'une profonde sympathie... mais qui, à la longue, font mal sans faire exprès.

Parce que cela me force à sans cesse expliquer, répéter, au point d'en être saturée.
Oui, l'entreprise de mon mari s'oppose toujours à notre retour à Tokyo.
Oui, c'est beaucoup plus raisonnable ainsi.
Oui, bien sur, pour les enfants.
Oui, bien sur, c'est "pas facile". "Et votre mari, il ne voit pas grandir les enfants".
"Ca doit être dur pour lui". "Tout seul là bas". "Au milieu des jouets qui se servent pas"...
Oui.

Et moi de rassurer les gens, alors que je ne le suis pas toujours, ma méthode Couet à moi.
"Oui, mais c'est plus raisonnable ainsi". "Et nous nous voyons tous les jours sur Internet". "Et il rentre bientôt". "Et il est déjà rentré une fois".
"Et nous n'avons rien perdu, cela aurait pu être tellement pire". "Nous sommes tous en bonne santé, nous n'avons pas quitté un pays en guerre".
Etc.

Il n'empêche.
Malgré tout cela et bien que je sois très bien installée et entourée, c'est encore la voix tremblotante que je réponds parfois à toutes ces personnes... Parce que ce n'est finalement toujours pas encaissé! Ce séjour forcé, j'essaie d'en tirer au maximum parti, mais plus long sera le séjour ici en France, plus difficile sera le retour au Japon.
Quand bien même mon amoureux est là bas, quand bien même mon appartement, mes affaires y sont.
C'est un peu bizarre de dire cela, mais mon quotidien a changé, je m'y suis faite, nous avons une organisation bien huilée, notre temporaire est bien installé désormais...

Mais je sens qu'il est nécessaire que je retourne au Japon. Et je le désire vraiment. Car même si j'envisage l'option d'un retour en France (si jamais la boite de Mathieu est toujours opposée à notre retour, nous la famille fin Aout, il est clair que nous ne prolongerons pas la séparation), la rupture a été trop brutale pour être définitive. La page a été déchirée et pas tournée correctement. D'ou ce sentiment d'inachevé.

Mais face à la bêtise des gens parfois ou à leur ignorance toute légitime, j'ai décidé de ne plus essayer d'expliquer mon ressenti (le manque de ma vie d'avant, la non acceptation de cette rupture si brutale, mon envie de finir correctement ce séjour que nous avons commencé). En effet, ces gens n'ont pas à être convaincus de quoi que ce soit. Ils n'ont pas de décision à prendre. Et, ils avouent eux-memes ne plus avoir d'information car l'actualité est passée à autre chose. Ces gens restent sur les infos que les media font passer, alors que les nouvelles de Tokyo ne sont plus si alarmistes. Les niveaux de radioactivité par exemple ne sont pas plus élevés à Tokyo qu'avant la catastrophe.
S'il arrivait un accident à la centrale de Dunkerque, est-ce que les Parisiens iraient se réfugier en Espagne?
Mais bien sur, nous restons extrêmement vigilants. Et si la boite de Mathieu s'oppose à notre retour, nous reviendrons vivre en France. Nous ne sommes pas des parents irresponsables...

Le plus difficile à vivre reste cette période de transition et d'attente, dans la séparation.
Car les gens sont passés à autre chose, tout comme les media, mais pas moi.

Aller de l'avant, positiver, voir la vie en rose, focaliser sur les petits plaisirs de la vie, voila mon credo actuel.

Et surtout, ne me demandez pas quand est-ce que je rentre!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire