jeudi 31 mars 2011

Vintage

On a ressorti mon loto des animaux et mes petites Majorette made in France!
30 ans après...

Le dessin du jour

Up and down

Bon, pour être tout à fait honnête, je ne sais pas bien comment écrire ce post...

Je suis toute sensible aux différentes réactions sur ce blog laissé en friche depuis quelques temps... J'aime moi aussi beaucoup ces dessins, hommages au Japon notre pays d'adoption, et que j'ai choisis parmi d'autres selon mes gouts (on y retrouvera pas mal de Totoro, de soleils rouges et d'AstroBoy), mais j'ai volontairement choisi la solution de facilité en en programmant la publication tous les matins, et ce pendant encore quelques temps je crois... J'avais besoin d'un break, je ne pensais pas qu'il serait si long, je pensais retrouver une source d'inspiration plus rapidemment...
Désolée, je ne pensais pas "frustrer" autant de personnes! On me réclame en effet du "vrai" blog, dans les commentaires, par téléphone ou par mail! Ca me touche beaucoup de vous savoir en attente de lecture!
Alors, même si le coeur n'y est pas vraiment, je reprends un peu de service.
Ce blog perd un peu de son objectif premier, il va un peu trop vers l'expression de "mes" petits sentiments à "moi" "perso", mais en même temps, c'est moi la modératrice en chef! et puis, j'espère toujours que ce ne sera que temporaire...

Je ne suis pas une grande littéraire, cela n'aura échappé à personne, alors raconter mes 2 dernières semaines avec objectivité et de manière posée et positive, c'est pas si simple.
Je pleure de moins en moins, ce qui en soit est déjà très positif!
Bon, de moins en moins ne veut pas dire plus du tout et il m'est plutôt difficile d'être en permanence tournée vers le rose de la vie. C'est assez "up and down" quoi.
Bien sur nous n'avons pas quitté un pays en guerre, sous la menace des bombes. Mais notre vie a été interrompue brusquement. Nous avons quitté notre chez nous dans l'urgence, les gens sans leur dire au revoir, sans savoir ni pour ou ni pour combien de temps nous quittions notre pays d'adoption, et au fil des jours, je commence à encaisser un sacré contre-coup. Car dans l'urgence, on agit au plus presse (passeport, carte bancaire, disque dur, fringues de survie, fric, taxi, embarquement, maternité, valise de maternité) et apres quelques jours (semaines?) on recommence à réfléchir... d'ou le contre-coup... d'ou les "up" et les "down".
A ce jour, je ne vois toujours pas quel peut être notre avenir. Nous n'avons aucune visibilité. Je vis au jour le jour (mais il y a du progrès, nous vivions heure par heure lors de nos derniers jours à Tokyo), en attendant "l'heureux événement" comme on dit.

Les nouvelles qui nous parviennent de la centrale de Fukushima sont loin d'être rassurantes. Le risque est toujours là, et il faudra longtemps avant qu'il soit neutralisé. Et si aucune explosion n'est à craindre, si Tokyo est suffisamment éloigné du site, il reste le risque d'intoxication des aliments et de l'eau. Or, je réfléchis comme une maman désormais, et pense surtout à mon Eliot qui boit toujours l'eau de son bain, et au Nain qui est encore si petit et fragile (meme si il a déjà traversé pas mal de péripéties, on est bien d'accord).
Par ailleurs, les news du monde n'ont d'yeux que pour le risque nucléaire (sujet sensible en France s'il en est, il n'y a qu'à voir la récupération politique qui a suivi la catastrophe du Japon, alors même qu'il n'avait pas fini de compter les victimes... j'y reviendrai), alors que le pays subit encore nombre de répliques sismiques, certes de moindre amplitude, mais qui ont tout de même des répercutions sur la vie des personnes que je connais qui sont restées ou retournées la bas. Physiquement et nerveusement, c'est épuisant. Je les comprends, je pense souvent à eux. Ce n'est pas mon hyper-sensibilité, c'est juste humain je crois.

Nous avons bien sur annulé notre déménagement prévu pour la fin du mois d'Avril. Cela aurait impliqué que Mathieu soit déjà de retour sur place, ce qui n'est pas garanti encore, et surtout il nous paraissait indécent et inapproprié de déménager, par rapport à la situation actuelle du peuple japonais. Et lorsqu'il sera temps pour nous de rentrer, nous préférons reconstruire notre cocon à 4 dans l'appartement de Motoazabu ou nous avons tous nos repères. Tant pis. Pas grave. Ceci est annexe, quasi anecdotique.

C'est la 2e semaine de 4 jours que Mathieu passe à Paris. Il prend le train le lundi matin et rentre le jeudi soir. Ca laisse à Micro Nain 3 bonnes journées pour pointer son nez. J'ai encore plus l'impression d'attendre Mathieu comme le messie le jeudi! comme s'il pouvait quelque chose à cette espèce d'impatience que j'ai de voir enfin Micro Nain! et comme si cette naissance servirait de déclic et m'apporterait un éclairage sur notre avenir, un apaisement...

Ce qui est certain, c'est que je m'estime plutot chanceuse d'avoir cette perspective d'accueillir un nouveau petit loupiot dans pas longtemps. En comparaison des copines, rentrées tout comme nous dans la précipitation, avec 3 fringues et demi, dans des appartements tout petits d'Ile de France ou en appart-hotel, sans grands parents à proximité, sans garderie ou crèche...
Nous échangeons régulièrement, nous en avons toutes grand besoin. Nous ne faisons pas dans le larmoyant, nous cherchons à positiver, mais toutes, nous estimons qu'il est trop tôt pour se prononcer sur un retour à Tokyo. Toutes, nous pensons à nos mômes. Toutes, nous voulons retrouver "notre vie d'avant", et toutes, nous savons que ça ne sera jamais plus comme avant. Parce qu'il y aura un risque, parce que contrairement à ce que beaucoup affirment, tout le monde ne rentrera pas à Tokyo. Même ceux qui, comme nous, sont partis la boule au ventre et le coeur serré, et nous sommes nombreux dans ce cas. Ya un truc qu'on nous a pris, c'est difficile à exprimer, encore plus à comprendre je sais. Certains vont devoir accélérer leur retour en France prévu dans quelques mois, mais sans pouvoir dire au revoir aux choses qu'ils ont aimées et auraient apprécié de faire une dernière fois. Certains hésitent a retourner à Tokyo. Certains y sont contraints pour obligations professionnelles...

Ce post est très décousu, un peu à l'image de mon cerveau en ébullition! peut-être que les 8 mois et demi de grossesse n'aident pas, mais ce qui est sur, c'est que je ne suis pas la seule à éprouver cette grande interrogation. On peut peut-être parler de désarroi. Car finalement, oui il y a des larmes et de la tristesse, mais aussi de la responsabilité notamment parentale qui prend la place des larmes. Oui, nous sommes mieux ici. Mais oui, nous regrettons notre vie d'avant. Oui, nous subissons, et c'est rageant, cette situation que nous n'avons ni choisie ni anticipée. Mais oui, nous avions conscience d'être extremement privilégiés. Car l'accueil de nos familles et de nos amis a juste été parfait.
Up and Down.
Désarroi.

mardi 29 mars 2011

Soeur Anne, ma soeur Anne

Ben non, toujours rien à l'horizon...
Le Nain aurait-il décidé de nous faire une petite blagounette du 1er avril? ou a-t-il fait un deal avec Papi-Mamie afin que les vitres soient absolument nickel tous les jeudis, jour du retour de Papa?

Le dessin du jour

dimanche 27 mars 2011

Le dessin du jour

L'attente

Depuis lundi dernier, Mathieu travaille à Paris et rentre le jeudi soir... micro Nain n'a qu'à bien calculer et arriver entre le vendredi et le dimanche!

En attendant qu'il pointe son petit nez (bon, et c'est pas comme si il était super attendu!!), on passe le temps... petit shopping car nous sommes rentrés avec 3 fois rien à nous mettre, préparatifs des faire parts de naissance et promenade au bord de la plage...
Micro Nain, c'est quand tu veux!!




Profiter du moment présent, ne pas (trop) penser à l'avenir...

jeudi 24 mars 2011

Le dessin du jour

Dernier jour à Tokyo - Lundi 14 Mars

Des 6h30, nous sommes levés et prêts pour notre longue et dernière journée sur Tokyo.
On essaie de faire fi de la fatigue et de la tristesse, on déroule notre "plan d'action", établi la veille en même temps que nos bagages.
Cette matinée, cela me fend le coeur évidemment, mais nous allons devoir la passer séparément.
Eliot reste avec moi évidemment, mais Mathieu doit passer au bureau pour discuter et finaliser notre départ (bon, pas les bureaux de Mizonokuchi à 5 heures de marche, mais ceux de Ryogoku, accessibles en taxi car les transports sont encore très perturbés et peu fiables). Pour ne pas devenir folle et tourner en rond dans l'appart, on a décidé que j'irai chercher du cash au distributeur et quelques bricoles de survie au combini.

La veille au soir, j'ai appelé mon médecin-accoucheur pour lui préciser que j'aurai peut-être besoin d'un papier afin de prendre l'avion car nous envisageons de quitter Tokyo, nous ne savons pas encore par quel moyen (avion, train, Osaka, plus loin?). Il m'a rassurée et affirmé que pour les vols intérieurs, nul besoin de certificat, mais que je pouvais appeler la clinic ou il travaille le lundi pour prendre rdv et passer dans la matinée chercher ce papier si besoin (sachant que moi, j'ai l'habitude de le voir dans sa propre clinic, donc là, je ne suis pas connue... j'y reviendrai...).
On a décidé avec Mathieu qu'on s'appellerai à chaque étape de l'évolution de notre matinée...genre "je suis dans le taxi", "j'arrive au bureau"... ca me rassure et comme ca, je vois l'évolution des choses...

Eliot regarde son fichu Tchoupi, je reçois un SMS de Mathieu "va chercher du fric". Ok, je me pose même pas de question, je ne cherche pas à savoir! j'imagine une file d'attente, une pénurie de cash dans les banques... du coup, ni une ni deux, j'empoigne Eliot qui n'est pas hyper d'accord (...), je l'habille devant ses cartoons, je le fous dans la poussette et à 8h, on est dans les rues d'Azabu Juban, en route pour le distributeur. En fait, il n'y a pas un chat dans les rues, je me suis fait un film, mais au moins, on a du cash. Je passe au combini, j'achète quelques onigiri au cas ou... il n'y a plus d'eau minérale dans les rayons. En chemin, Mathieu me rappelle : sa boite nous a booke 3 places pour Paris dans le vol direct qui part à 1h30 dans la nuit de Haneda (l'aéroport qui est plus proche de chez nous que Narita). Mais, il me faut voir mon médecin avant... Je discute quelques instants avec Mr S (notre "messie"!), le remercie pour tout le mal qu'il se donne depuis 48h pour notre cas, qui est quand même, j'en ai bien conscience, un casse-tête. Il me rassure et m'assure que leur priorité est une évacuation vers la France et un endroit safe pour un accouchement éventuel car imminent. Ils ne veulent pas me laisser partir sans l'assurance de trouver un hôpital au bout du voyage. Je trouve que c'est vraiment honnête, mais il me faut ce papier...

Bon, mon nouvel objectif est donc ce fichu certificat.... Je n'ai pas le numéro de la Tokyo Clinic. J'appelle donc ma copine Kristin, qui elle voyait notre médecin la bas. Elle m'envoie les coordonnées... bon, mais à 8h, c'est encore un peu tôt... ça ouvre a 9h30... Je rentre donc à la maison, déjà bien fatiguée physiquement par la courte nuit, les émotions, l'enchainement des événements de la matinée... à peine entamée!

J'ai la très grande et très agréable surprise de découvrir notre helper qui est tout de même venue travailler... la veille, je lui avais envoyé un message lui disant que si elle ne le sentait pas, elle pouvait très bien ne pas venir... je n'avais pas reçu sa reponse... et elle est là! rapidemment, je lui explique la situation : aujourd'hui, pas de ménage ni de repassage, j'ai besoin d'elle pour "gérer" Eliot car il commence à ressentir mon stress et me scotche tellement que je ne peux même pas passer un coup de fil, et puis physiquement, je me sens vraiment incapable... on prend un cafe, je paufine les bagages car désormais je me dis qu'on prends un avion, donc ça implique quelques petites modifs... et j'ai besoin d'occuper mon cerveau et mes mains...
Vers 9h15, j'arrive à joindre la Tokyo Clinic. Je demande un rdv en urgence, je précise que c'est le médecin qui m'a dit d'appeler... Elle vont transmetre car il ne viendra surement pas aujourd'hui... J'appelle mon medecin sur son portable... répondeur!! cela n'arrive jamais... au bout d'un temps interminable, sa messagerie renvoie vers... la Tokyo Clinic! Devant mon insistance, la fille me précise que le médecin a annulé tous ces rdv de la journée, car "la situation a évolué depuis hier soir". Je commence vraiment à paniquer, Eliot hurle dans les bras de Susan qui l'emporte à l'autre bout de l'appart, histoire que je puisse entendre mon interlocutrice... ambiance...
Je ne perds pas complètement espoir et appelle ma propre clinic qui n'ouvre qu'à 10h en principe...Je tombe enfin sur quelqu'un vers 9h40... réitère ma demande "URGENTE!!!!!" j'obtiens un rdv à 10h45, avec un autre médecin car le mien ne viendra pas (mais il est OU????)
Je suis soulagée. Susan est adorable, elle viendra donc avec moi en taxi. Eliot s'est apaisé, moi pas tellement, mais au moins, je suis sure de pouvoir être examinée et rassurée avant de monter dans cet avion.

J'appelle Mathieu pour qu'il me rejoigne à la clinic car il est parti le matin avec mon petit livre bleu, suivi de ma grossesse, dont sa boite avait besoin pour organiser notre départ.

On se retrouve là-bas... je patiente une demie-heure dans la salle d'attente... je ne suis apparemment pas la seule "gaijin" à attendre pour un certificat, 2 autres filles moins enceintes sont dans le même cas. Elles ne sont pas françaises, donc nous ne sommes pas la seule nationalité à appliquer le principe de précaution...
La secrétaire vient enfin me chercher. Elle me tend mon certificat et ma facture. 2,600 yens. Ok. Je paie, je prends le papier, je me casse.
Je ne me suis même pas déshabillée, je n'ai vu aucun médecin. M'en fous, j'ai mon papier, je monterai dans ce fichu avion!

On rentre tous à la maison.
Susan s'occupe de ranger un peu (je sens qu'elle a besoin de s'occuper l'esprit et les mains, je la laisse faire, je suis un peu dans le même état de fébrilité). Mathieu prépare à manger... A 13h, je dis au revoir à Susan, les larmes aux yeux, elle a vraiment été dévouée jusqu'au bout. On ne sait pas quand on se reverra, elle me promet d'aller sur Osaka des que possible, de toute facon tous ses employeurs sont partis. Elle a sur elle son petit sac "de survie" pour partir à tout moment... émotions... encore... je ne compte même plus le nombre de fois que j'ai pleuré depuis ces dernières 72h...

Il est 14h quand nous décidons de quitter notre chez nous. Ok, l'avion est dans quasi 12h, mais c'est insupportable de rester là. On a fait le tour de toutes les pièces, fermé les rideaux, mis à l'abri les choses fragiles (écran, ordinateur...), coupé l'eau, le gaz, l'électricité... C'est la première fois que nous quittons Tokyo pour autre chose que des vacances, pour un temps complètement indéterminé et surtout sans être sur de l'état dans lequel nous retrouverons notre chez nous... Là encore, heureusement que nous sommes 2. J'ai l'impression de former une chouette équipe avec Mathieu. Aucune visibilité sur l'avenir, à courte ou moyenne échéance, mais on fait bloc, à presque 4, on ne se quitte plus, c'est ce qui est le plus important à mes yeux. Il sera là si je craque, et en même temps, je me sens prête à accoucher n'importe ou pourvu qu'on soit ensemble.

1 valise, 1 gros sac à doc, 2 sacs à main, 1 petit sac à dos, 1 sac de joujoux (qu'Eliot refuse de porter évidemment) et 1 poussette... taxi... l'aéroport n'est qu'à 30 minutes à peine... le temps de longer la Tokyo Tower (quand la reverra-t-on?), des quartiers de buildings... je ne peux m'empêcher d'être émue et aussi impressionnée par la résistance de tous ces bâtiments. Sans les infos et les images en tête, il est impossible de voir une quelconque trace de ce que vit le Japon à ce moment là.

Nous arrivons à l'aéroport. Bien sur l'attente sera interminable, mais j'aurai le temps de faire une bise à une amie qui embarque à 16h30... nous devions nous voir ce fameux vendredi 11 après midi pour "l'acclimatation" d'Eliot... cela me semble il y a une éternité... petit moment tout précieux... bon voyage ma belle!

Vers 16h30, nous procédons à l'enregistrement... le plus tôt ce sera fait, le plus tôt je serai rassurée sur mon embarquement, car "c'est le pilote qui aura le dernier mot" m'avait dit Mr S. Alors bien sur, le stress n'est pas du tout retombé! jusqu'au bout, je serai dans l'interrogation...
Nous passons une vingtaine de minutes à l'enregistrement... je montre mon papier (mais j'ai l'impression que nous étions attendus...), j'explique que j'ai vu mon médecin le matin même, qu'il a tout vérifié (c'est ça oui!) et que je peux voyager, le bebe n'est pas près de sortir (ce qu'on ferait pas pour embarquer!). Tout cela très posément, très zen, alors que je ne vous raconte même pas comment je suis à l'intérieur!! en plus, il fait une chaleur à crever dans cet aéroport!!!
La fille prend mon papier, part faire des photocopies ("oui oui, je vous en prie!). Elle nous dit d'attendre dans un coin... et revient avec les boarding pass!!! le Saint Graal!!! je recommence à respirer presque normalement!
Yapluka... attendre...

J'organise donc notre arrivée en France... accueil à l'aéroport, accouchement à Calais... j'explose surement mon forfait Iphone, mais là, c'est vraiment un cas de force majeure!
On décide d'aller au lounge, histoire de manger et aussi d'attendre un peu plus au calme... bon, pour entrer dans le lounge, on me redemande le certificat!! oui, alors, bon, faut pas pousser là! j'ai déjà mon boarding pass!! et non, ce ne sont pas des jumeaux!! (mais elle est débile ou quoi??) bref, je reste zen.... je ferai des grands sourires jusqu'au bout, genre "je suis super en forme" alors qu'il y a 4 jours j'en menais pas large!

On mange un peu, on essaie de se détendre (pas facile avec tous ces gosses dans le lounge! je pense que les hôtesses japonaises n'ont jamais vu un tel souk! elles essaient bien de mettre un peu de calme mais en vain). Eliot n'a fait qu'une sieste de 10 minutes dans le taxi, c'est pas le plus sage, on se relaie pour l'occuper et le ballader... il ne se rendormira que dans l'avion!
Juste avant d'embarquer, on me redemande mon certificat... p.!! il est 1h du mat', on a pas dormi depuis des jours, j'ai mon boarding pass (je suis même entrée au lounge!!), mais qu'est-ce qu'elles me veulent encore???? oui, bien sur, vous pouvez faire des photocopies si ça vous chante... pour une fois, c'est Mathieu qui manque de s'énerver, et moi qui reste zen! je vous assure que je suis prête à tout pour monter dans ce truc!!
On laisse entrer tout le monde... alors, non, être enceinte de 8 mois ne permet pas d'être prioritaire! mais on s'en fout, on embarque (enfin!), l'avion décolle...

Vers la sécurité.

Je garde cela en tête car penser à ce qu'on laisse m'est insupportable. Je sais qu'il va me falloir du temps pour faire le deuil de mon projet de naissance à Tokyo, préparé pendant des mois, pour accepter l'idée que notre "choix" a été le meilleur pour tout le monde...
Evidemment, retrospectivement, c'est une évidence... mais sur le coup, pas du tout. Je mettrai plusieurs jours à arrêter d'être submergée par le chagrin à chaque fois que j'y penserai.
Il me faudra la lueur de l'évolution des événements, discuter avec nos amis, qui tous ont quitté le Japon avec ce sentiment de fuir, l'envie de revenir au plus vite, mais en faisant le choix raisonnable d'attendre que la situation soit stabilisée et sécurisée pour tous et à tous les points de vue.

Dans l'avion, seul Eliot dort... Mathieu fait semblant. Moi, je me lève sans arrêt, comme si l'avion allait avancer plus vite! j'écris déjà un peu pour ce blog car je sais qu'il faudra évacuer le trop plein d'images, d'événements, de stress, d'angoisses et d'émotions. Ca tombe bien, tous les Japonais roupillent, l'avion est plongé dans l'obscurité, personne ne voit que je suis en larmes.

mardi 22 mars 2011

Le dessin du jour

Des mots et des dessins

Ce blog, j'en ai bien conscience, est quelque peu tristoune en ce moment.
Il me sert un peu d'exutoire, il remplace probablement un psy! vous n'êtes pas obligés de lire bien sur, les posts sont vraiment très longs, juste que j'ai besoin de mettre des mots sur ce que nous avons traversé.
Mathieu m'encourage, nous estimons que c'est important pour nous, pour les enfants plus tard, et malgré le peu de commentaires postés, vous êtes nombreux à attendre la suite et à m'encourager par mail ou par téléphone à aller au bout de ce récit. Pour cela aussi, merci.

Pas toujours facile pour moi qui suis plutôt scientifique à la base. Je ne veux surtout pas faire dans le larmoyant, j'essaie d'être factuelle. Ce n'est que notre témoignage, notre histoire, mais il est vraiment capital pour nous, pour moi, de me décharger de ces événements, de réorganiser les souvenirs, avant que cela ne s'efface.
Et surtout, pour préparer sereinement l'arrivée de Nain.

Mais pour mettre un peu de couleur dans ce blog qui manque cruellement de photos en ce moment, j'ai trouvé quelques illustrations. Il s'agit en fait de l'initiative d'un collectif de graphistes et illustrateurs, qui ont eu envie de créer des dessins sur la thématique des événements récents vécus par le Japon. Leur idée est d'organiser une exposition, de vendre ensuite leurs originaux aux enchères, puis de les rassembler dans un ouvrages, et les bénéfices de ces actions seront reversés à une association de soutien aux victimes du tsunami.
Voici le site de cette initiative.
Et voici la première illustration que j'ai décidé de mettre sur ce blog. D'autres suivront dans les jours prochains.

lundi 21 mars 2011

La suite - Dimanche 13 Mars

5h30, nous sommes déjà debout. A l'affut des news évidemment. Un mail est arrivé pendant la nuit. La boite de Mathieu envisage de nous déplacer vers le Sud du Japon. Osaka ou Kobe, qui disposent d'aéroports internationaux. Mais pour moi, un départ de Tokyo est inenvisageable. Ma vie est ici, tout est prêt pour l'arrivée du Nain, l'hôpital est à 10 minutes, mon médecin joignable 24/24, les copines dispo pour garder Eliot... sans parler de la chambre du bebe qui est quasi prête et de toutes les petites affaires de nain que je prépare depuis des semaines... Je ne me vois en aucune manière quitter Tokyo, mon chez moi et Mathieu pour me mettre à l'abri d'un danger qui n'est ni réel ni avéré. L'Ambassade n'est pas alarmiste.

Au bout d'une heure de discussion et de larmes pour moi, Mathieu réussit à me convaincre que c'est la meilleure solution pour les enfants et pour moi. Mais je suis désespérée à l'idee de le laisser retourner au boulot le lendemain (il n'est pas encore question qu'il m'accompagne).

Nous essayons de passer un dimanche "as usual".
Mais la baignoire toujours remplie d'eau et la boule dans le ventre nous rappellent que nous ne sommes pas un dimanche ordinaire. Des coups de fil de Mr S changent encore la donne dans la matinée. Ils envisagent toutes les possibilités, leur priorité semble être de nous faire quitter Tokyo voire le Japon, tout en nous garantissant un hôpital avec médecin anglophone (ce qui demande évidemment plus d'investigations et une coordination serrée avec notre assurance privée). Nous proposons Shanghai, HK ou Singapore ou nous avons la possibilité d'avoir un pied à terre "ami". Ils excluent la Chine (il faut un visa), évoquent aussi Singapore, la Corée ou la Thailande... Ca me donne des frissons mais peu a peu, l'idée de quitter Tokyo, voire le Japon devient acceptable. D'autant qu'au fur et à mesure de la journée, on voit bien que les transports ne seront pas rétablis le lendemain. Pas question donc pour Mathieu de faire 5 heures de marche aller et retour... et dans l'esprit de Mr S, nous sommes désormais un "package" de 3 personnes (et un futur bebe).

Je prends des nouvelles des copines. Certaines sont déjà parties (dans le Sud du Japon surtout), d'autres y pensent. D'autres encore sont comme nous, partagées entre le départ qui nous apparait comme une fuite, mais relève aussi du raisonnable, et rester chez nous car nous sommes tout de même à l'abri. Je respecte totalement les décisions des unes et des autres. Nous n'avons absolument pas vécu les secousses du vendredi de la même manière. Les entreprises de nos petits maris ne gèrent pas non plus la situation de la même manière. Selon l'âge des enfants aussi, le degré de bien-être au Japon, les projets d'avenir, les ressentis sont différents... Je ressens surtout une énorme compassion et une réelle solidarité entre nous (communauté française, copines, amies, collègues) qui nous permet de nous sentir moins seuls (Mathieu et moi) dans nos réflexions, moins seuls par rapport à tous ces sentiments qui se mélangent. Nous faisons face, avec évidemment des moments ou l'on craque et des moments ou le sang froid prédomine.

D'heure en heure, la situation évolue. L'Ambassade ne préconise toujours pas de départ du Japon. On a le sentiment (rassurant) que les choses sont sous contrôle et que les entreprises appliquent le principe de précaution et organisent des déplacements (on ne parle toujours pas d'évacuation) vers le Sud du Japon à titre preventif et surtout j'imagine pour anticiper une évacuation dans l'urgence.

Les répliques sismiques ne nous laissent pourtant pas beaucoup de repis. Je me sens incapable, physiquement et nerveusement, de faire face à une nouvelle secousse de type celle de vendredi. Je suis lasse de ces secousses, que finalement nous ne ressentons pas de la même manière Mathieu et moi. Parfois il la ressent et moi non, et inversement. Elles ont des amplitudes minimes par rapport à celles de vendredi.
Nous parvenons à epargner au maximum Eliot qui ne ressent pas notre stress (mais je crois qu'il n'aura jamais regardé autant de dessins animes! tant pis).

Notre véritable angoisse vient de cette foutue centrale bien sur. Et LA question qui sera notre déclic, c'est de savoir comment elle pourrait résister, alors qu'elle est déjà endommagée, à ces répliques sismiques. Nul ne peut le dire évidemment, et il suffit d'une réplique un peu plus forte... C'est cette question, lancinante et à laquelle nous n'avons pas de réponse, qui va petit a petit nous faire penser sérieusement à partir.

Dans l'apres-midi, nous allons au parc pour nous changer les idées, et Eliot s'amuse comme un petit fou sur les toboggans. J'entame une discussion avec une fille... roumaine apparemment. Elle me parait complètement stressée. Elle me parle d'un nouveau risque sismique dont son mari a entendu parler à la télé japonaise. Il est d'ailleurs au téléphone, hyper tendu. Je ne l'entends pas. Je ne la crois pas. Je me veux rassurante. J'essaie de la rassurer...
Mais de retour à la maison, nouvelle alerte en provenance d'un réacteur (je ne sais plus lequel, je crois que je n'y accorde aucune importance). Cette fois, l'Ambassade monte d'un cran dans ses recommandations. On n'est toujours pas dans la panique, mais elle suggère aux ressortissants français qui n'ont pas d'impératifs sur Tokyo, de s'éloigner quelques temps vers le Sud. Et elle confirme ce que me disait cette fille que j'ai pris pour une parano : les spécialistes annoncent 70% de risque d'une réplique de magnitude 7 dans les 3 jours. Ce risque passe à 50% pour les 2 jours suivants... Ok, amplitude plus faible que la secousse de vendredi (que nous avons ressentie à la magnitude 5 à Tokyo), mais l'épicentre se situerait plus proche de Tokyo.
Pour nous, pour moi, c'est un déclic. Je ne veux plus rester à Tokyo. L'idée a (enfin?) fait son chemin dans ma tête, je n'accoucherai pas à Tokyo, le Nain ne naitra pas ici, mais pour la sécurité de tous, il faut accepter cette situation. Je me fais à l'idée d'accoucher à Osaka. C'est une grande ville, il y a des hôpitaux, accoucher même sans médecin anglopghone (et sans péridurale!) ne me fait même plus peur... la principale angoisse une semaine auparavant était "et si je dois emmener Eliot à l'hopital avec moi?". Je suis maintenant à mille lieues de ces préoccupations... désormais, je veux juste me sentir en sécurité et auprès de ma petite famille pour accueillir ce petit bebe... peu m'importe Osaka, HK ou Singapore, être loin de Tokyo est devenu mon leitmotiv.

C'est la fin de la journée, je n'ai plus qu'une idée en tête : faire une valise, me préparer au depart, ce sera notre dernière nuit à Tokyo.
Eliot est couché, nous préparons donc un sac et une valise. Pour ou? pour combien de temps? impossible d'en être sur, alors nous faisons au plus logique : 5 jours de vêtements pour Eliot, Mathieu et moi, et les petits habits du nain accumulés et préparés depuis des semaines... pas facile de faire une sélection, pas facile de ne pas se laisser submerger par les émotions lorsqu'il faut laisser les choses...
On prend le disque dur avec toutes nos photos... ma bague de mariage... les cartes bancaires... le livret de famille... les carnets de santé... nos passeports (même si la probabilité que je puisse monter dans un avion est très faible).
On oublie des trucs, forcement, mais on paré vraiment au plus pressé.

Ne pas se dire que je ne reviendrai pas de si tôt... c'est vraiment trop difficile. On reviendra forcement a 4... oui, mais quand? et est-ce que notre appartement sera encore dans cet état?
La fatigue, le stress, l'angoisse, et encore une fois le fait que ce soit la nuit nous privent d'une certaine lucidité.
Pourtant, vers minuit et demi, nos bagages sont prêts. On se couche, dans l'espoir que la nuit nous apaisera un peu...
On est réveillé à 1h30 par le coup de fil d'un collègue de Mathieu. Affolé. Je ne peux pas le blâmer non plus. Nous avons nous cette chance d'être 2, de former un bloc, lorsque l'un flanche, l'autre est présent et trouve des mots qui apaisent. Lui ets seul et donc pas très lucide après ces jours et ces nuits sans sommeil...
Finalement, Mathieu se rendort... Moi, je vois défiler les heures... vers 4h, je vais me faire un lait chaud dans le salon... évidemment, je pleure un peu car je vais laisser mon chez moi... Je sais que c'est pas bon de faire le tour des pièces et de jeter un oeil à ce que je laisse, mais je le fais quand même... Quand reviendra-t-on?
Je crois que je me rendors vers 5h... et a 6h30, nous sommes tout 2 éveillés.
Les bagages sont prêts, nous sommes en mode "départ".
Vers ou, on ne sait toujours pas, mais nous sommes au moins d'accord sur le fait que le soir même, nous ne dormirons pas a Tokyo.
Le jour se lève, la journée va être longue. Très longue...

vendredi 18 mars 2011

Aftershocks - Notre 12 Mars

Il y a des mots anglais qu'on aurait préféré ne jamais connaitre...

La journée du samedi 12 Mars s'est déroulée presque normalement. Nous avons essayé de faire abstraction de tout pour nous concentrer sur le quotidien. Je crois que nous ne mesurions pas encore ce à travers quoi nous allions passer.
Dans la matinée, comme prévu, un gars est venu récupérer des objets dont on se sépare pour vider un peu la chambre du Nain et qu'elle ressemble à une chambre de bebe. Quelques secousses encore... mais on a eu parfois du mal à faire la différence entre les secousses réelles et les tremblements de nos corps qui gardent des séquelles. Mathieu est courbaturé et a les pieds en loques après ses quasi 5 heures de marche. Moi aussi je suis physiquement exténuée, pourtant je n'ai pas couru un marathon!
La nuit a été courte et entrecoupée de répliques dont l'une plutot forte qui nous a réveillés. Tant pis, c'est le week end, on boira du cafe en cocoonant au maximum.

Des messages sont diffusés dans les hauts parleurs du quartier. Cette fois, ils sont traduits en anglais. On nous recommande de faire des économies d'électricité. On ne fera donc ni lessive ni vaisselle à la machine aujourd'hui.

J'ai invité des copines pour le gouter, histoire de se changer les idées et de partager nos ressentis. Mais aucune d'entre elles ne préfère venir, ce que je comprends tout à fait. Les trains ne sont pas rétablis et on se sent tous plus en sécurité dans nos quartiers respectifs, voire chez soit.
Mais rester à l'appart par ce beau temps nous est insupportable.
On décide d'aller se promener, comme très souvent à Roppongi Hills, juste derrière chez nous. Il y a toujours de l'animation le week end et ça nous videra la tête (nous avons surtout un grand besoin de descotcher d'Internet car depuis la veille au soir, nous sommes rivés aux infos de la BBC, NHK, France TV, site de l'Ambassade, le monde.fr...) Aucun recul n'est possible par rapport à toutes ces dépêches. On a le nez dans l'actu. Difficile de rester calme et lucide. Seules les images sont parlantes. Et quelles images... régulièrement, je craque.. La fatigue, le stress, l'incertitde, le contrecoup (que je crois), mais pas encore d'inquiétude réelle...

Roppongi Hills donc. Etrangement calme. Il n'y a personne! Ca n'arrive jamais. Les magasins (de la Mori Tower pour ceux qui connaissent) sont fermés!! ca non plus, jamais vu, même un 1er Janvier! Pas d'animation, peu de monde dans les rues. Glauque. Et partout, les gens que l'on croise ont l'air serein. Je constate tout de même que les regards se croisent un peu plus qu'à l'accoutumé. En principe, on ne croise pas le regard d'un Japonais.

On s'installe dans le seul cafe ouvert pour un chocolat chaud. Histoire de penser à autre chose? oui, l'idée y est, mais notre premier geste est de checker mails, facebook et site de l'Ambassade sur nos Iphones... Je reçois un texto de mon amie Jenifer, il y a eu une explosion à la centrale de Fukushima. Il nous faut rentrer à la maison, heureusement pas loin.
On réfléchit rapidemment. On fait le bilan des conséquences éventuelles et de ce qu'il nous faut éventuellement faire ou préparer. Je rentre à la maison avec Eliot, Mathieu file acheter un briquet pour les bougies, du riz et quelques bricoles. En effet, un risque de blackout est annoncé pour 18h sur Tokyo.
J'ai un peu mal au bide à l'idée d'être encore séparée de Mathieu, même pour un quart d'heure, mais on a pas le choix, je suis physiquement pas en état de l'accompagner.
Des que je franchis la porte de notre maison, je colle Eliot devant un dvd et je prépare riz et pates (tant qu'on a de l'électricité), tout en changeant l'eau de la baignoire. Automatisme? Reflex? je ne sais pas. Etrangement, mon corps répond à ce que je lui demande, alors que cela fait des semaines que les douleurs de fin de grossesse me privent de toute énergie après 18h. Là, plus de sciatique, plus de mal au dos ni au bassin, plus de contraction non plus... le corps est étrangement fait...

Mais au moment de nous coucher, la trouille se pointe. Ok, tremblement de terre, on a plutôt bien géré le truc. Ok, tsunami, on est super loin, on ne risque rien et on s'est préservé en évitant les images atroces de dévastation (on verra plus tard). Mais la fatigue et la nuit qui tombe rendent nos esprits un peu moins lucides, et le risque nucléaire change totalement la donne.
Mon esprit a beau essayer d'être raisonnable et posé, mon corps ne répond plus du tout et tremble tremble tremble... impossible de m'arrêter. J'ai froid, je grelotte. On ne met pas de chauffage car il est recommandé de ne pas utiliser les ventilations. Je crois que j'ai vraiment peur. Pour nous, pour le bebe, qui doit ressentir ce que je vis. C'est terriblement culpabilisant. Je voudrais être plus forte et maitriser mon corps, mais les nerfs lachent. On ne parle plus de secousse sismique là, mais de risque nucléaire... On est pas préparé pour ça. Le risque et le danger ne se voient pas, ne se ressentent pas, ne se palpent pas. On peut uniquement l'imaginer, et avec la fatigue, le noir de la nuit et le froid de l'appartement, l'imagination prend le pas sur la raison.

Dans la soirée, nous recevons un coup de fil d'un supérieur hiérarchique de Mathieu (je l'appelerai Mr S.). Il nous explique que la boite envisage un éventuel rapatriement des familles dans un premier temps (familles = femmes et enfants) si on veut. On précise tout de même le "detail" du moment :  je suis juste enceinte de 8 mois et monter dans un avion risque d'être impossible (au delà de 7 mois, les compagnies ne prennent pas cette responsabilité). Il prend note. Mais de toute façon, à ce moment là, pour nous, il n'est absolument pas question de partir. Nous n'y avons même pas penser. Et d'ailleurs, jusqu'au bout, nous n'avons pas envisagé le départ. Notre vie est à Tokyo, le Japon notre pays d'adoption, tout est en place pour la naissance, nous ne sommes pas dans un pays en guerre, alors pourquoi fuir?
Nous apprécions vraiment la démarche et la proposition de la boite. On a le sentiment de ne pas être seuls, ni abandonnés face à une situation et des événements qu'on a encore bien du mal à appréhender.

L'endormissement est compliqué, mais finalement, on dort un peu mieux et un peu plus longtemps que la veille. Pas de réplique sismique ressentie. Mon corps a fini par se calmer, Eliot ronfle tout apaisé dans sa chambre. On se dit que demain est un autre jour, il nous faut reprendre un peu de forces, et à la lumière du dimanche, nos esprits y verront plus clair...

Programmation

J'ai moi même été surprise ce matin en ouvrant le blog... oui, vous venez bien de lire un post sur un gentil petit monstre qui vit dans la vallée de Moomins!
Non pas que j'ai repris la ligne éditoriale originelle de ce blog (pas encore prête), juste le hasard d'une programmation, un post rédigé il y a longtemps et auquel j'avais attribué une date de publication aléatoire...

Ca fait bizarre de voir des photos de chez nous... on ne sait pas bien quand on va pouvoir rentrer...
En attenant, je continue de me vider l'esprit des événements de cette dernière semaine... une semaine déjà, et tellement d'événements... J'ai besoin de raconter, vous n'êtes pas obligés de lire, vous commentez si vous voulez, vos messages, mails et coups de fil nous vont toujours droit au coeur...

Moomin

Bon, c'est pas vraiment japonais, mais j'ai découvert ce personnage et son petit monde ici. Alors ça rentrera dans ma rubrique kawai!

Les Moumines (ou Moomins) sont des personnages créés par la finlandaise Tove Jansson. Il s'agit d'une famille de gentils trolls qui ressemblent à des hippopotames.
Ils vivent dans la vallée des Moumines, vallée imaginaire donnant sur le Golfe de Finlande.



Les livres pour enfants ont assuré le succès des Moomins, mais leur notoriété s'est surtout étendue grâce aux BD réalisées par l'auteur et son frère, Lars Jansson, et les séries d'animation, en particulier une série japonaise (nous y voila), de 99 épisodes diffusés en France sous le titre Les Moomins. 


Nous avons quelques Moomins à la maison... il semble que les produits dérivés (peluches, mais aussi sac, mouchoirs, vaisselle, mobiles, déco,...) soient assez tendance ici (la Finlande est assez tendance en ce moment).

Les Moomis de la maison...




Ce que l'on trouve en magasin...


Il existe aussi un salon de thé Moomin, mais malheureusement, je n'ai pas pris de photo... l'occasion d'y retourner!

mercredi 16 mars 2011

Mon 11 Mars

J'ai eu envie/besoin de poser des mots sur ma journée du 11 Mars 2011... pas pour faire pleurer dans les chaumières, surtout pour évacuer et me souvenir...
Vous n'êtes pas obligés de lire, c'est long, il y a eu tellement de choses et d'émotions...

C'est une journée particulière. La crèche d'Eliot est fermée, comme tous les ans à la même époque, pour une journée consacrée à la "Graduation Ceremony". C'est en effet la fin de l'année scolaire au Japon et comme c'est une crèche qui fait aussi "preschool", une journée sert de transition entre les grades.
Eliot doit donc rester avec moi... Comme j'ai un peu peur que la journée soit longue (plus de force pour l'emmener seule au tobbogan car je dois me trainer de plus en plus), j'ai organisé 2 petites "acclimatations"chez les copines susceptibles de reccueillir notre petit loulou pour quand il me faudra aller à la maternité. Un petit café chez l'une le matin, un gouter chez l'autre l'après-midi, il fait un soleil magnifique, ce qui donne une idée de l'arrivée prochaine de la saison des sakuras.
La matinée se déroule comme prévu. Nous déjeunons même avec Agnès et Arthur dans un petit resto coréen avant de rentrer à la maison.
Eliot joujoute un peu et vers 14h accepte de s'endormir dans notre lit pour la sieste.

14h46 : je me souviendrai longtemps de ce que j'étais en train de faire... Sur l'ordi, je choisissais un doudou pour le nain et m'apprêtais à valider ma commande. Un truc de femme enceinte de 8 mois, en pleine nidification quoi!
Soudain, ça commence à trembler. Pas plus fort que "d'habitude"... au début... Puis c'est la durée de la secousse qui est inhabituelle. Elle monte un peu en intensité, l'écran bouge un peu. Je ne prends pas le temps de réfléchir, ce qu'il y a à faire dans ces cas là,  je l'ai déjà suffisamment réfléchi pour pouvoir le mettre en pratique automatiquement. Je prends donc Eliot dans mes bras (doucement, pas envie de hurlement...), je l'emmène dans l'entrée de notre appart, ouvre la porte, lui colle son casque de vélo sur la tête et m'assoie avec lui dans les bras dans l'encadrement. Pourquoi là? les chambranles sont souvent les dernières à tomber, la porte d'entrée est en métal et donc plus solide que nos autres portes en bois ou en verre, porte ouverte pour ne pas risquer d'être coincée à l'intérieur.
Le temps passe. Ca ne se calme pas. Je n'ai jamais connu quelque chose de si long en 1 an et demi au Japon. J'attends, je murmure des choses rassurantes à Eliot qui somnole. En même temps, la notion du temps est assez floue. J'ai l'impression que c'est long car j'attends la fin de la secousse, mais je n'aurais jamais su dire combien de temps elle a duré. J'entends quelques bruits de chutes dans la maison, des bibelots pas de meuble, le porte manteau de l'entrée tangue un peu mais aucune vraie grosse chute n'est à constater. C'est le building entier qui oscille. Au bout d'un temps que je ne saurais déterminer, c'est fini, j'attends encore un peu et me relève (comme je peux... kgs en trop, émotions mélangées,...), j'explique à Eliot que tout est fini, que tout va bien, Maman est là et je retourne le coucher dans notre chambre. Sang froid, maitrise, je suis plutôt calme en fait. Pendant ces longs instants, concentrée sur le moment présent, je me rends compte que par rapport à ce que je voulais faire, j'ai oublié 2 choses : mon téléphone est resté près de l'ordinateur dans la chambre et je n'ai pas rempi la baignoire d'eau (ce qui est recommandé car en cas de catastrophe, cela permet d'avoir une réserve d'eau potable à la maison).

Je fais un tour dans la maison. Aucune casse, 3 bibelots sont renversés, un cadre posé s'est couché. Rien à signaler. Méthodiquement et mentalement, je prends note des "défauts" de l'agencement de notre appart et de ma réaction "pour plus tard"...

Mon portable ne fonctionne plus, mais Mathieu m'appelle sur le fixe. Tout va bien pour lui, il m'apprend qu'il n'y a plus de train donc qu'il ne peut me dire à quelle heure il rentrera. Surement tard. Ok. On gère, tout va bien, je suis avec le petit, situation sous contrôle, on s'aime. On raccroche car ça recommene à trembler...

C'est la deuxième secousse. Même scénario, donc mêmes réactions mais cette fois, j'ouvre le robinet de la baignoire et je prends mon téléphone. Le casque d'Eliot est resté sorti dans l'entrée. Là encore, c'est long mais impossible de dire de combien. Eliot ne somnole plus du tout. Il est tout calme, ouvre de grands yeux. Je comprends bien que sa sieste se terminera là. Une petite heure au lieu des 2 habituelles, on se couchera plus tôt ce soir! La secousse est terminée, on se relève. C'est fini.

Eliot joujoute dans le salon, un grand silence entoure notre appartement. Les rues me semblent également plus silencieuses qu'à l'habitude. Je recommence à penser spontanément, je sors du mode automatique. Dehors, des hauts parleurs diffusent un message que je ne comprends pas. Je jette un oeil par la fenêtre, il y a des gens dans les rues, certains semblent s'être rassemblés à certains points (de rassemblement?). Comme je ne me sens pas du tout de rester seule dans cet appart (je ressens d'un coup ce silence et cet isolement comme des facteurs angoissants) - il est à préciser que dans notre building, seuls 2 appartements sur 5 sont occupés et que les voisins sont absents depuis quelques jours. Je suis donc absolument seule avec le petit, nous n'avons pas de gardien - , je décide de sortir et d'aller à la rencontre des gens du quartier. Je pense notamment à ma super copine américaine qui habite à 5 minutes à pieds.

J'habille tout le monde, Eliot gardera son casque pour "aller se promener et regarder les hélicoptères, tu vas voir, c'est rigolo"... (rassurer, rester calme, faire bonne figure, surtout, ne pas l'entrainer dans mon angoisse qui est latente). Je le porte dans l'escalier, pas question de prendre l'ascenseur.

Nous voilà dans la rue, Eliot est tout mignon, tout calme et sage, mais sa main serre très fort la mienne. Pour moi, boule dans la gorge malgré le sang-froid apparent.... Je croise quelques Japonais, dont le visage impassible ne donne aucun indice sur la gravité ou non de ce qui vient de se passer. Pas pratique pour moi qui ne sais pas trop de quel coté orienter mon sentiment, légèreté ou sérieux.

Je retrouve enfin Kristin. Comme moi, elle est dans la rue avec ses 2 petits et quelques voisines. Leurs enfants font du tricycle, les mères échangent leur ressenti... Je tombe dans les bras de ma copine et chouine un peu. Les hormones surement, la peur aussi, je suis quand même super enceinte, j'ai besoin de lâcher un peu la pression et je suis frustrée de ne pas pouvoir réagir aussi vivement ou porter Eliot pour le mettre en sécurité rapidement. Appréhension de ne pas pouvoir réagir comme il faut à cause du mal de dos qui me ronge depuis des mois, des contractions qui sont là depuis quelques temps...Crainte à posteriori de ne pas être suffisamment forte pour courir avec mon loulou sous le bras...
On rentre chez Kristin, Eliot ne lache pas ma main, même pour jouer avec les voitures de Joseph. La terre recommence à trembler. Moins longtemps et moins fort, on le remarque surtout aux liquides dans les verres ou au bib de lait qui traine sur la table... Je me sens mieux. Je sens que Kristin aussi apprécie de ne pas être seule avec ses 2 petits.
On papote. Elle checke un peu Internet. La menace du tsunami est déjà réelle, mais je crois qu'on ne se rend pas compte.
Nos portables ne passent pas, impossible d'avoir des nouvelles de nos maris ou de nos amies, pour nous à cet instant, c'est la princiale préoccupation. Sans portable, impossible de téléphoner certes, mais pour moi, impossible aussi de recevoir mails, messages, etc... et en plus, Eliot me scotche vraiment donc je ne peux même pas accéder à Internet.
Je commence à me sentir mal à l'aise déconnectée du monde et à me dire qu'il faut que je donne des nouvelles et que je cherche à en avoir... et puis ça me revient que j'ai laissé le robinet de la baignoire ouvert, ça doit faire une heure! Alors, ok avec les salles de bain à la japonaise on ne craint pas l'innondation mais tout de même!

On décide d'aller chez nous tous ensemble car franchement, on est pas super motivées à l'idee d'attendre nos maris respectifs toutes seules... Kristin et les enfants restent une petite heure à la maison histoire de décompresser et d'être bien sures d'être réconfortées. Tout va bien. Nous sommes apaisées, il nous semble que le danger est passé.

Je donne des news sur le blog, heureusement que nous avons électricité et Internet! Je me sens moins seule et surtout plus coupée du monde. Je skype les copines, de Tokyo et d'ailleurs, peu à peu on échange, on se rassure, on n'est pas dans la panique, même si toutes, nous attendons avec impatience le retour de nos petits maris, histoire d'être tous réunis au complet et soulagés. Nous pensons que c'est vendredi, que le we sera paisible et surtout le bienvenu pour nous remettre de nos émotions.
Je n'ai encore vu aucune image du tremblement de terre. Encore moins du tunami qui a suivi. Eliot me scotche et veut absolument regarder ses dessins animés sur l'ordinateur (nous n'avons pas de télé et de toute façon, après une telle après-midi, nous restons dans la même pièce, ce n'est pas négociable!). Et puis, je ne veux pas qu'il ait accès à des images que moi-même je n'ai pas envie de voir et que je redoute déjà de découvrir... c'est décidé, j'attendrai qu'il soit couché ou que Mathieu soit rentré...

21h : Nous sommes enfin arrivés au 4e livre du soir, synonyme de dodo imminent pour Eliot. Malgré la courte sieste, il ne s'est pas couché plus tôt! Et puis, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir... quel bonheur! quel soulagement!! Mathieu est rentré! apres un trajet interminable pour lequel je savais uniquement qu'il avait quitté le bureau à pied à 16h15, nous sommes enfin tous réunis, ensemble sous le même toit...
La soirée peut commencer, nos familles et amis sont rassurés, nous n'avons aucune idée de l'ampleur du désastre, et n'imaginons pas du tout que les jours suivants vont être bien pires à gérer psychologiquement.

mardi 15 mars 2011

A Calais

Après 12h d'attente à Haneda, 12h de vol, 2h30 de voiture... nous voici à Calais...

Eliot est ravi de retrouvrer son lieu de vacances et ses grands-parents.
Le Nain a été super et est resté bien au chaud pendant tout le trajet...

On ne vous cache pas qu'on est partagé entre la tristesse d'avoir quitté notre chez nous et le soulagement d'avoir pu prendre cet avion.
Mais on est sain et sauf, en famille, un peu paumé mais vraiment soulagé...

A tres vite pour quelques récits plus consistants...

dimanche 13 mars 2011

Départ

Nous prenons un vol d'Haneda cette nuit è 1h30 du matin. Arrivée sur Paris 6h20 du matin le 15. Claire, il est probable que l'on fasse une courte escale sur Paris avant de repartir vers Calais.
Ca reste à préciser, mais on est drôlement soulagé!

Petite note

En fait, c'est très gentil de penser à nous, mais n'envoyez pas de colis, nous risquons de ne pas être lè pour le réceptionner... il est probable que la boite de Mathieu nous envoie ailleurs, dans le Sud du Japon, dans la journée de demain.
Nous serons fixés demain midi, pour le moment nous préparons une valise.

Ne vous affolez pas, il s'agit plus d'une mesure préventive, justement pour éviter un départ dans l'urgence.
Il s'agit aussi vraisemblablement d'une première étape avant un autre pays d'Asie ou la France... è voir, nous ne savons pas encore.

Nous sommes confiants et calmes.

samedi 12 mars 2011

Dernières news

Le point de l'Ambassade, ce dimanche midi :

"1. Pertes humaines
Nouveau bilan provisoire : plus de 2700 morts et disparus.
2. Points ressortissants :
Sur les 121 ressortissants français présents dans la région Nord-Est, la plus touchée par le séisme, 85 ont pu être contactés et sont indemnes. La cellule de crise de l’Ambassade met tout en œuvre pour rentrer en contact avec les 36 dont on reste aujourd’hui sans nouvelle.
La France envoie en ce moment une équipe de plus d’une centaine de personnes de la Sécurité civile au Japon, afin de prêter main forte aux autorités japonaises et de les aider dans leur travail de secours.
3. Point nucléaire :
Selon les informations données par la NISA (Nuclear and Industrial Safety Agency), ainsi que par les autorités gouvernementales, le conseiller nucléaire de ce poste donne les éléments suivants :
  • Le cœur du réacteur Fukushima I-1, dont l’enceinte externe a explosé hier suite à une accumulation d’hydrogène générée par les opérations de ventilation, est actuellement en cours de remplissage par de l’eau de mer additionnée de bore. Cette procédure vise à éviter une dégradation supplémentaire du cœur en le refroidissant. A l’heure actuelle, le confinement est maintenu, et il n’y a pas de relâchement massif de radioactivité dans l’atmosphère, et la situation du cœur est stable.
  • Le réacteur Fukushima I-2 est en attente de ventilation, cette procédure pourrait être appliquée si la pression monte dans l’enceinte de confinement.
  • Le réacteur Fukushima I-3 est en train d’être ventilé (relargage de gaz afin de diminuer la pression à l’intérieur de l’enceinte de confinement), selon une procédure similaire à celle utilisée pour le réacteur Fukushima I-1 hier. Cette opération génère un léger relâchement de radioactivité à l’extérieur. De plus, l’exploitant procède actuellement à une injection d’eau dans le cœur du réacteur afin d’augmenter les capacités de refroidissement.
  • Les réacteurs Fukushima II 1, 2 et 4 sont en phase de surveillance, et l’exploitant étudie les moyens pour améliorer le refroidissement du cœur.
  • Le réacteur Fukushima II-3 est dans un état stable et sûr.
S’il y a bien de la radioactivité larguée dans l’atmosphère suite aux opérations de ventilation en cours, et liée à l’explosion causée par l’accumulation d’hydrogène d’hier, il n’y a pas à l’heure actuelle de relâchement massif de radioactivité. Les risques posés à la santé publique semblent "plutôt faibles", a estimé l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Pour ce qui concerne l’agglomération de Tokyo, il n’y a pas à ce stade de risque, tant que la situation n’évolue pas. Nous vous tiendrons informés régulièrement – ou en urgence si la situation l’exige – de toute évolution.
4. Recommandations
L’Ambassade continue de suivre de très près l’évolution de la situation, en contact à la fois avec Paris et avec les autorités japonaises.
Nous recommandons à nos ressortissants de suivre en toutes circonstances les consignes des autorités japonaises. Il est notamment conseillé à nos ressortissants vivant dans les zones à proximité des centrales de se calfeutrer dans leur domicile (il faut couper les systèmes d’aération), et de faire quand ils le peuvent des provisions de bouteilles d’eau potable.
Nous conseillons à nos ressortissants qui n’ont pas de raison impérative de se rendre au Japon, de reporter leur voyage.
L’Ambassade ne manquera pas d’informer ses compatriotes si de nouvelles consignes devenaient nécessaires."

Evolution

Notre état d'esprit évolue d'heure en heure, je n'ai même plus le temps de poser sur ce blog ce que je voudrais, tellement les scenarii s'enchainent...

Par rapport à ce que j'écrivais ce matin, un rapatriement sanitaire d'Eliot et moi vers la France semble une solution trop compliquée à mettre en place (désolée Papa, Maman, finalement, je ne vais pas débarquer... je m'étais pourtant bien faite à l'idée!). Ca a l'air de bien bien cogiter au niveau de la boite de Mathieu et des assurances internationales... un mail reçu cette nuit, un autre ce matin, puis un coup de fil en fin de matinée...
Au Japon, on est toujours pas en situation d'urgence sanitaire ni de catastrophe nucléaire (je ne veux même pas entendre parler de Tchernobyl, tellement nous sommes à dix mille lieues de cette époque), car d'après les infos de l'Ambassade (voir post suivant), tout a l'air sous contrôle et sans danger, notamment pour les Tokyoites.

Pour notre petit cas à nous, les solutions envisagées qui semblent se profiler (mais là encore, rien n'a été clairement proposé), sont : une "évacuation" vers le Sud du Japon (certaines entreprises françaises proposent cela aux femmes et enfants de leurs salariés, par mesure de sécurité et surtout pour répondre à un léger vent de panique qui ne semble pas affecter outre mesure les autres communautés d'expatriés...), ou éventuellement vers Singapore.

Je vous avoue que ni l'une ni l'autre des solutions ne me met à l'aise!!! c'est ici que j'ai mes repères, une crèche pour Eliot, éventuellement un baby-sitter, 2 copines "irréductibles" qui n'ont nullement l'intention de partir, mes petites affaires et aussi, mon petit mari... alors quitte à attendre que le Nain daigne sortir le bout de son nez, autant le faire ici (avec mon ordinateur aussi, et sa connexion Internet, devenue ma fenêtre sur le monde, les amis, la vraie vie quoi!)
La vie continue, nous évitons de regarder les terribles images si anxiogènes, nous avançons step by step et finalement c'est comme ça qu'on reste le plus lucide.

Nous appliquons au maximum les mesures de sécurité. Des messages sont diffusés par haut parleur, nous demandant de limiter la consommation d'électricité. Hier soir, il y avait un risque de coupure, donc nous sommes allés acheter un briquet pour les bougies et des piles pour la lampe torche.
La baignoire est toujours remplie d'eau, c'est une réserve d'eau potable si les canalisations sont endommagées ou la nappe phréatique contaminée.
Nous n'aérons pas et ne mettons pas en marche les ventilations (donc pas de chauffage, mais ça va, il ne fait pas froid dehors).

Globalement, tout va bien.
Hier, la plupart des magasins etaient fermés, ce qui n'arrivent jamais ici!!! nous en sommes restés bouche bée!!
Mais aujourd'hui, les Japonais semblent avoir repris leurs activités normalement, ce qui reste le meilleur des baromètres de situation (nous avons même reçu le colis de Calais posté mercredi!!! et avec 2 heures d'avance sur le timing habituel!!!) Les transports repartent doucement, il semble ne plus avoir de problème de connexion portable, c'est bon signe.
Encore quelques tremblement ressentis ce matin, mais rien d'affolant.
Nous n'osons pas encore penser à l'avenir, le notre s'annonce plutot rose (ou bleu, ne vous méprenez pas sur l'expression!!), celui du Japon sera préoccupant, mais là, honnêtement, je ne me concentre que sur mon petit cas perso et mon nombril. Egoistement, mais je pense être excusable.

Dernières news

Site de l'Ambassade de France, dimanche 13 mars, 10:17

"Nouveau bilan provisoire : plus de 1800 morts et disparus.
Sur les 121 ressortissants français présents dans la région Nord-Est, la plus touchée par le séisme, 85 ont pu être contactés et sont indemnes. La cellule de crise de l’Ambassade met tout en œuvre pour rentrer en contact avec les 36 dont on reste aujourd’hui sans nouvelle.
D’après les autorités locales (police, pompiers), aucune victime étrangère n’a été recensée pour le moment."

Réflexion

Nous avons passé une bien meilleure nuit...
A-t-elle porté conseil?
Peut-être...

Moins fatiguée, moins angoissée, nous réfléchissons beaucoup plus posément à la suite des événements.

Objectif de la journée : préparer en parallèle les 2 options que nous avons choisi de retenir, à savoir un accouchement ici dans les prochaines semaines, comme prévu initialement, ou un rapatriement (certainement sanitaire du coup) d'Eliot et moi vers la France pour un accouchement au pays de Molière.

Evidemment, nous avons pesé le pour et le contre de chacune de ces options. Nous n'agissons pas dans la panique ni même dans l'urgence, puisqu'aucune fuite radiochimique n'est à craindre pour le moment, et que les consignes de l'Ambassade ne vont nullement dans le sens d'une évacuation.

Cependant, nous tenons compte de l'éventuel risque de répliques sismiques (mais cette nuit a été calme), et pensons à ce que pourrait donner une autre secousse sur des centrales nucléaires déjà ébranlées.
Nous privilégions donc un retour en France, organisé dans le calme et anticipé, plutot qu'une évacuation dans l'urgence, avec un risque sanitaire réel et des sentiments de panique qui pourraient venir plus facilement et surtout mal à propos par rapport à "mon état".
Un patron de Mathieu nous a appelés hier, car la boite envisage de proposer aux familles (en premier lieu) un rapatriement vers Singapour. Nous avons beaucoup apprécié ce coup de fil car c'est la garantie que nous ne sommes pas livrés à nous mêmes. Par contre, ils n'étaient pas au courant de ma grossesse (encore moins de son terme!!). Cela change évidemment la donne car pas question de prendre un avion "normal" (je ne suis pas devenue hyper exigeante d'un coup sur mon petit confort perso, mais si je monte dans un avion, je ne veux prendre aucun risque pour mon bebe... comme par exemple accoucher au fond d'un avion grande ligne, avec mon autre petit loulou tout inquiet et par forcement super coopératif avec des hotesses de l'air dont ce n'est pas la fonction première que de faire du baby sitting!). Et je pense que ni la boite de Mathieu, ni notre assurance, ni aucune compagnie aérienne ne prendrait un tel risque. Et moi encore moins...
Donc si retour en France il y a, ce serait probablement dans les prochains jours, Eliot, le bebe bien au chaud et moi, dans un avion spécial. Nous attendons des précisions, certainement dans la journée, voire dans la matinée.
(pour info, les entreprises des maris des copines proches sont dans la même démarche, ce qui est à la fois rassurant... et inquiétant!! car les potentielles nounous d'Eliot pour un accouchement au Japon s'envolent!!)

La seconde option, serait de ne pas changer nos plans initiaux, à savoir, j'accouche ici, comme prévu, médecin et hôpital sont toujours dispo! Et Mathieu pourrait être présent...
Bien sur, cela correspond davantage à ce que j'ai prévu et ce que je prépare depuis des semaines. Avec des petits inconvénients moins prévus tout de même, à savoir plus vraiment de solution pratique pour faire garder Eliot le temps qu'il faut, une légère inquiétude par rapport aux suites des événements, et probablement une envie de rentrer en France juste après la naissance... mais nous ne cédons absolument pas à la panique, à la manière des Japonais qui restent tres stoïques et gèrent le quotidien au jour le jour.

Les images diffusées sur les télés du monde sont fortement anxiogènes (nous imaginons bien votre angoisse et je pleure aussi beaucoup en regardant les images de désastre), et ne correspondent pas à notre quotidien, ici à Tokyo.

On vous tient au courant, en appreciant toujours autant vos attentions si précieuses...

Soupape

Je ne veux nullement que ce blog vire au defouloir de sentiments larmoyants...
pardon, mais j'ai besoin d'évacuer, de vous tenir au courant pour pleurer en étant constructive, et peut-être aussi, égoïstement de laisser une petite trace écrite de ce qu'on est en train de vivre.

En vrac, dernieres nouvelles du moment.
La centrale nucléaire de Fukushima a subi une explosion. Celle dont tous les media nous rabattent les oreilles depuis hier en parlant d'un risque.
Alors, on a beau être scientifique, on ne peut pas vraiment juger de la gravité ou non du truc. On ne veut surtout pas laisser libre cours à la panique, mais le manque de sommeil, le contre coup autant physique que moral par rapport à la journee d'hier (et à la nuit ponctuée de répliques sismiques) nous/me font parfois craquer.
J'évacue, je décompresse, on me dit que c'est normal, que même pas enceinte, je pourrais craquer, j'en ai le droit.
Alors je m'en prive pas.

Raisonnablement, on a décidé de suivre les consignes de l'Ambassade. Calmement. Posément.
Bon, mais à 19h, j'ai appelé leur cellule de crise car prise dans un petit vent de panique....
on en est pas encore à l'évacuation, mais je voulais me l'entendre dire, m'entendre dire (et là encore, je sais que je suis hyper méga égoïste) qu'avec un enfant de 2 ans et demi et enceinte de 8 mois, je serai prioritaire...

Le mec au téléphone a été très professionnel. Il m'a laissé pleurer, m'excuser de craquer, m'a rassurée, affirmé que c'etait bien normal, et explique qu'il n'y avait aucune urgence pour le moment, et même aucun danger avéré puisqu'aucun nuage radioactif.
Il m'a rappelé les consignes à appliquer, et moi, bonne élève, j'ai hoché de la tête. Pour la plupart, on avait tout fait. Notre baignoire est remplie d'eau, nous n'utilisons que quelques lampes, nous avons une réserve de bouffe et d'eau potable, nous ne cédons pas à la panique (enfin, dans la plupart du temps). Bon, il m'a aussi dit de dormir et de reprendre des forces, mais ça, c'est pas gagné!

Quelques temps après ce coup de fil qui me confirmait que rester ici était la meilleure des solutions, la boite de Mathieu nous appelle.
Ils proposent de rapatrier les familles des expat... pas encore tout  le personnel, mais les familles....
sauf que je ne peux plus vraiment voyager... trop enceinte.
Dire "merci mais non merci" m'a vraiment fait bizarre...

Quelques unes de mes copines ont fait le choix de rentrer en France. Elles ont les billets d'avion, mais aucun moyen assuré de se rendre à l'aéroport... ce qui me conforte dans l'idée que ce serait insensé pour moi d'essayer de rejoindre un aéroport (déjà situé à 2 heures de trajet en temps normal) alors qu'il n'y a ni bus ni train, pour poireauter interminablement et prendre un avion pour un vol tout aussi long... (d'autant plus long à mon sens que le Nain gigote et me rappelle sans cesse qu'il est très présent...)

Je ne veux pas céder à la panique. Bien sur, pas enceinte ou de moins de 7 mois, je serais rentrée, sans même me poser de question. Là, bien sur, c'est diffèrent.

Bref, nous "gérons", les émotions, les sentiments, les réactions face aux infos qui nous parviennent au compte goutte en temps réel et pour lesquelles nous avons aucun moyen de prendre du recul...
Merci pour le soutien, les mails, les messages, les coups de fil... ils nous vont toujours droit au coeur. N'arrêtez pas!!
Le but de ce post n'est absolument pas de vous alarmer, je me répète. Nous sommes très bien situés par rapport à une éventuelle alerte, nous avons pu tester la résistance de notre immeuble aux secousses (RIEN de cassé, juste 3 bibelots renversés, autant dire rien...) et très bien encadrés à la fois par l'Ambassade et par la boite de Mathieu qui n'est pas prête de nous laisser à notre propre sort. C'est rassurant. Pour vous. Pour nous.

PS : Au moment ou j'écris ce mail, la terre tremble à nouveau. Je HAIS ces répliques...